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Extrait de "LENDEMAIN DE TSUNAMI" Dernier roman de FrédérIc ANDRIEU

Toujours avec la volonté de faire connaitre un jeune écrivain, et assurer la promotion d'un roman, quoi de mieux que de faire découvrir quelques extraits du livre afin de se donner une idée du style d'écriture de son auteur, du cadre de l'histoire, de l'intrigue...Si vous souhaitez plus d'extraits, merci de le faire savoir au travers des commentaires que vous pouvez laisser sur cet article

 

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Extrait :

 

 

Je marchais ce jour-là sous une chaleur incroyable, il devait être l’après-midi et je transpirais à chaque pas qui devenait pénible, tous mes membres étaient bouillants et craquaient sous la difficulté de l’effort. Mais il fallait que j’avance, rien ne devait me faire reculer. La luminosité était très forte, mes yeux se plissaient pour juste laisser entrevoir mon iris et ne pas me trouver aveuglé par ce soleil haut dans le ciel.

 

Une silhouette au fond du chemin sur lequel j’avançais se détacha dans la clarté, elle était sombre et élancée, et ce qui était surprenant, c’est qu’elle avançait à grands pas, alors qu’il me semblait que moi, je me traînais lamentablement. Je peinais, c’était certain, et je m’essoufflais comme cela ne m’était jamais arrivé. Du souffle, j’en avais pourtant quand je plongeais pour mon gagne-pain, j’étais persuadé d’avoir atteint le niveau d’un champion de plongée puisque j’étais capable de rester sous l’eau pendant plus de trois minutes parfois, je m’étais essayé avec des plus grands que moi déjà, et à chaque fois, je leur donnais une leçon et eux-mêmes n’en revenaient pas. Cette silhouette à contre-jour était inquiétante et funeste dans ce paysage de lumière, créant immédiatement une ambiance lugubre pratiquement tragique. C’était comme un fantôme, un esprit sortant de la lueur du nirvana pour venir me chercher, pour quelle raison, je ne le savais pas. La peur s’emparait de mon corps à me raidir les membres et à me tétaniser brusquement au milieu de ce chemin. Je m’arrêtais alors, inerte et figé comme les statues que j’avais vues au temple, les deux pieds joints posés bien à plat sur les gravillons du sentier, une des mains posée sur mon front pour me protéger des rayons du soleil qui m’agressaient de part et d’autre de mon visage et pour mieux voir au loin. La silhouette était proche maintenant car j’entendais très distinctement ses pas qui foulaient le sentier. Je ne distinguais toujours pas clairement celle ou celui qui venait à moi, la masse noirâtre me paraissait de plus en plus grande et effrayante.

Et puis, tout d’un coup, la silhouette disparut pour devenir un homme qui portait une longue barbe brune qui recouvrait son cou, ses yeux étaient d’un noir charbon et ses cheveux bouclés courts, il se tenait droit comme la justice, bien planté dans ses baskets blanches. Il s’arrêta à ma hauteur comme s’il avait envie de me parler.

C’est ce qu’il fit.

 

– Bonjour, me dit-il d’un ton plutôt sympathique.

– Bonjour, répondis-je timidement.

– Tu sais où mène ce chemin ?

– Euh, non pas vraiment, je sais pas où il va…

– Mais tu en viens ! Tu dois bien savoir d’où tu viens ?

– Oui peut-être, enfin, je me rappelle plus alors.

– Ah ! je suis pas bien aidé. Comment t’appelles-tu ?

– Bobby.

 

Encore une fois, j’utilisais mon surnom d’emprunt pour ne pas trop dévoiler mon intimité, cela ne regardait que moi.

 

– Et toi, comment t’appelles-tu ? lui demandais-je par politesse.

– Momo.

– Momo, c’est drôle comme prénom.

– Oui et non. C’est un surnom, tu sais en fait, je m’appelle Mohamed.

 

C’est un prénom qui n’était pas courant chez nous les Gitans de la mer, car nous étions tous des bouddhistes et que, seuls les musulmans peuvent le porter sur leur carte d’identité, c’est typique de leur religion. Sur notre île, il y en avait un peu qui croyaient dans un dieu différent de Bouddha, je me rappelais plus trop bien quel était le nom de leur dieu à eux, mais je savais que chez ces gens-là, toutes les écritures de prières étaient rassemblées sur un seul livre, qu’on appelait Coron ou Coran, un truc comme ça. Je savais aussi que les hommes avaient plus de femmes que chez nous et aussi, par voie de conséquence, plus d’enfants et de bouches à nourrir, mais aussi plus de logements pour faire cohabiter tout ce petit monde. Ce gars n’avait pas la sale gueule que je lui prédestinais quand il s’était approché de moi sur le chemin, et sans faire de racisme par rapport à la religion qui nous séparait, je le trouvais même un peu plus sympathique maintenant.

Il reprit :

 

– Tu ne sais donc pas où je vais atterrir si je continue à marcher sur ce chemin de gravillons tout blanc ?

– Désolé, non. J’ai oublié.

– Bon, pas grave, je crois que cela mène à la mosquée.

– Mosquée ?

– Oui, tu sais, le bâtiment avec deux tours en général où les musulmans vont prier.

– Jamais vu par ici.

 

C’est vrai que je me rappelais en avoir vu une quand j’étais allé avec Bob au grand centre commercial, mais par là, rien ne me revenait à la mémoire. Par là… Mais où étions-nous exactement ? J’avais comme un trou dans la mémoire, impossible de savoir où j’étais vraiment. Et je n’étais pas dans un film, impossible d’appuyer sur le bouton pour revenir en marche arrière dans le passé pour se ravigoter les méninges.

 

– Pourtant il faut que j’aille prier, rapidement. Je vais bientôt mourir.

– Ah bon ! dis-je, empoté de la parole.

– Oui, je n’en ai plus pour très longtemps. Cela fait des années que je suis à l’hôpital pour me soigner, mais c’est trop tard maintenant, ils ne peuvent plus rien pour moi.

 

Il se mit à pleurer, c’était la première fois que je voyais un musulman pleurer, j’ai même eu pitié, un petit moment de pitié. Et puis, je n’étais pas obligé de gober tout ce qu’il me disait, moi qui le connaissais de nulle part, ni d’ailleurs. Mais il a continué quand même à me raconter sa vie :

 

– Il y a cinq ou six ans, je sais plus trop, j’étais encore en possession de tous mes moyens, j’avais trois femmes qui travaillaient aux champs pour nos cultures d’ananas dont une que j’aimais tendrement. Je pouvais me permettre de donner une bonne éducation à mes deux fils, j’avais même un nom social, Mohamed Yadir, bien connu sur les marchés du Sud de l’île. J’ai même eu un article sur le journal local, c’était en toutes lettres sur la première de couverture. Un jour, j’ai été pris d’irresponsabilité, et j’ai fait mon malheur…

 

 

L’homme parlait par saccade, parfois rapidement, parfois posément. Quand il s’accélérait, sa pomme d’Adam faisait le yo-yo dans sa gorge tellement il avalait d’air chaud. Il n’avait pas l’air d’aller du tout bien maintenant qu’il me racontait son histoire, celui-là, avec ces yeux qui cherchaient des secours, ce sont toujours les yeux qui en ont le plus besoin.

 

.....(A suivre....)



25/05/2014
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